Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

Guerre en Ukraine : un travail d’enquête sans précédent sur des milliers de crimes de guerre

Alors que les combats font rage et que nul n’entrevoit d’issue au conflit armé, l’Ukraine continue à mener tambour battant son combat pour la justice. Jamais un pays n’avait ainsi, dans l’histoire contemporaine, tenté d’enquêter à chaud, dès les premières semaines de l’invasion russe, sur chaque crime et chaque violation du droit international humanitaire.
Au niveau diplomatique et judiciaire, Kiev bataille sur tous les fronts en même temps : du travail effectué en coopération avec la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, qui a pour mandat de juger les crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, à ses propres juridictions nationales, en passant par des échanges bilatéraux avec des Etats alliés dotés de lois de « compétence universelle », et pouvant donc juger des crimes qui n’ont été commis ni par leurs citoyens ni sur leur sol.
L’Ukraine continue aussi de plaider pour la création d’un tribunal international spécial pour juger le crime d’agression. Cinq pays européens ont parrainé l’ouverture, à La Haye, en 2023, d’un bureau ad hoc, le Centre international pour la poursuite du crime d’agression, placé sous l’autorité de l’agence européenne Eurojust. Mais les puissances alliées du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (Etats-Unis, Grande-Bretagne et France) restent réticentes à créer un véritable tribunal, craignant un précédent qui pourrait un jour viser leurs interventions militaires à l’étranger.
A Kiev, Yuriy Belousov, chef des enquêtes sur les crimes de guerre au bureau du procureur général d’Ukraine, rappelle que la création d’un tribunal sur le crime d’agression serait non seulement « légitime », lorsqu’un Etat en agresse un autre comme la Russie l’a fait avec l’Ukraine, mais qu’il n’y a, en outre, aucune garantie que le président russe, Vladimir Poutine, soit un jour jugé pour crimes de guerre par la CPI, même si cette dernière a émis en 2023 un mandat d’arrêt contre le chef du Kremlin au sujet des déportations d’enfants ukrainiens en Russie. Un tribunal sur le crime d’agression serait ainsi, selon Yuriy Belousov, un moyen de « poursuivre la troïka russe protégée par l’immunité diplomatique : le président, le premier ministre et le ministre des affaires étrangères ».
Le travail du chef des enquêtes, au jour le jour, est toutefois éloigné de ces considérations diplomatiques. Ce dernier pilote, dix ans après l’origine du conflit en Crimée et dans le Donbass et deux ans après l’invasion du pays, 120 774 enquêtes recensées à ce jour pour crimes de guerre. Une tâche titanesque. Menées du côté du parquet par une équipe d’environ 600 procureurs et enquêteurs, les investigations sont coordonnées avec le Service de sécurité d’Ukraine et la police, qui ont déjà collecté des preuves sur plus de 40 000 scènes de crimes. Elles concernent 11 817 civils ukrainiens tués, dont 522 enfants. Ce chiffre ne prend pas en compte les territoires toujours occupés, telle la ville de Marioupol, où Kiev craint de découvrir, en cas de reconquête, des dizaines de milliers de cas d’assassinats, de tortures et de viols supplémentaires.
Il vous reste 43.39% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish